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Marie-Therese Garvey : “Le réalisateur a un rêve, le producteur le réalise”

14 juin 2020
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© Marie-Therese Garvey

Marie-Therese Garvey a créé Greater Than Ten Miles, un boîte de production indépendante de films documentaires. Elle rend compte des problématiques sociales ainsi que des histoires relatives aux Droits de l’Homme à travers des moyens innovants et créatifs. Elle touche à l’audiovisuel et la photographie, dans des exercices d’écriture, de réalisation et de production de films. 

Comment définis-tu le métier de producteur ?

Il y a plusieurs types de producteurs. Moi je fais la différence entre un producteur créatif et un producteur financier. Les deux demandent des compétences pointues. Je me considère personnellement comme une productrice créative, le côté administratif ne fait pas partie de mes compétences principales. En revanche, j’aime me donner corps et âmes dans un projet, à petit budget, soutenir et donner confiance. Le réalisateur a un rêve, le producteur le réalise.

Quel est le projet dont tu es le plus fier ?

Je dois mentionner 2 projets. D’abord, il y a le premier projet que j’ai produit, le film Even That Void. On a filmé dans la région arctique. Ça a été un véritable exercice créatif et artistique. C’était difficile de trouver des financements, mais on a pu continuer quand même. J’étais dans l’équipe de rédaction et de production. Le projet était très amusant, et on était très fier du résultat.

Ensuite, il y a Atlantic, qui est réellement un de mes plus gros projets jusqu’ici. Il était très complexe dans son organisation. J’ai travaillé avec un réalisateur irlandais, et nous avons tourné en Irlande, au Canada et en Norvège. Il fallait trouver des financements dans chacun de ces pays. C’était difficile mais l’expérience était géniale. J’étais passionnée par le sujet que l’on a traité, mais encore plus par les gens avec qui je travaillais. Nous étions une grosse équipe de producteurs : un producteur norvégien, trois producteurs canadiens et moi. J’ai gardé un très bon contact avec eux, ils m’ont beaucoup apporté.

Peux-tu partager avec nous une anecdote concernant le tournage de l’un des films que tu as produit ?

Produire un film, ça consiste à résoudre des problèmes tout le temps. Une des anecdotes les plus spéciales se déroule pendant le tournage de The Runner. Le film a été tourné dans le Sahara ainsi que dans les Pyrénées en France, en 2013. J’ai dû construire une plateforme pour une caméra, afin d’obtenir la scène parfaite. Pour cela, j’ai assemblé des tuyaux en PVC et des colliers pour chiens. Je pense que c’est primordial de pouvoir suggérer des idées qui peuvent paraître étranges, originales, sans avoir peur d’être jugé. J’ai également couru dans le Sahara, afin de motiver mon équipe. Il faut mettre en place un espace créatif. En tant que productrice, je représente un jalon, mon rôle est de soutenir toute l’équipe. C’est important d’instaurer de vrais liens, et du respect au sein de l’équipe.

Qu’est-ce que tu aurais aimé savoir avant de commencer ton activité ?

Je pense que s’il y avait une chose que j’aurais aimé savoir, c’est combien c’est difficile de vivre de ce métier. Faire de l’argent, gagner sa vie, c’est compliqué. Dans les projets pour lesquels je travaille, je suis souvent la dernière à être payée. C’est donc au producteur de négocier sa part, de trouver les financements nécessaires. En freelance, c’est encore plus dur. Je connais des producteurs qui sont riches, mais qui le sont avant de commencer, en dehors de leur activité. Certains fonctionnent très bien, mais je pense qu’ils représentent plus l’exception que la règle.

Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?

Cet été, je devais réaliser un film pour la première fois. Je voulais raconter l’histoire de la première radio composée uniquement de femmes, WHER, à Memphis. Je souhaitais mélanger des images d’archives, des témoignages et des interviews à propos de cette radio. Derrière ce projet, il y a une responsabilité, un règlement éthique à respecter. Malheureusement, avec la crise sanitaire, je n’ai pas pu effectuer les tournages que je voulais. J’espère faire un petit film d’animation, afin de rendre compte de mes sources, des visuels. On verra ce que je pourrais faire.

Voudrais-tu produire un film de fiction ?

Il y a une très grande différence entre la réalisation et la production de films documentaires et de films de fictions. Je pense que dans le cinéma, l’histoire est la clé. Ça me ferait bizarre de travailler dans ce secteur-là de l’industrie, parce qu’il faut travailler avec des acteurs. Je suis persuadée que pour un réalisateur de films de fictions, ce serait aussi étrange de travailler avec des amateurs, des gens qui ne sont pas du tout acteurs. En effet, ils dirigent des acteurs, moi je recueille des témoignages. J’aime ce travail de recherche, et donner la parole à ces histoires réelles et authentiques.

Les plateformes de SVoD bénéficient d’une très grande fréquentation. Est-ce que sortir un film au cinéma fait toujours partie de tes objectifs ?

Je pense qu’aujourd’hui, sortir son film au cinéma, c’est un rêve. C’est ainsi qu’on peut se rendre compte en direct des réactions de l’audience. Par exemple, pendant le confinement, beaucoup de festivals, annulés, ont été contraints de rendre accessible leur programmation en ligne. Effectivement, je comprends leur décision, mais je trouve ça dommage. L’expérience au cinéma est unique. Aujourd’hui, les plateformes prennent de plus en plus de place. D’ailleurs, Netflix est le Hollywood des plateformes de vidéos en streaming.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaiterais travailler dans l’industrie cinématographique ?

C’est simple : il n’y a rien qui puisse te stopper. Très souvent, on est découragé au début. Il y a beaucoup de concurrence, tellement de formats et de productions différents. Mais si tu veux réaliser un film de fiction, écris et fais jouer tes amis. Si tu veux faire un documentaire, sors avec ta caméra et filme. D’ailleurs, il faut reconnaître sa propre valeur. Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas avoir peur d’exiger un paiement. Si tu travailles, tu dois être payé.

Je pense qu’il faut démystifier l’industrie du cinéma, les métiers de réalisateurs ou producteurs. Il faut également s’entourer, apprendre de ceux dont on admire le travail. Quoiqu’il en soit, il faut rester dans une logique de “s’ils peuvent le faire, je peux le faire aussi”.

Finalement, ça me faisait peur de devoir m’engager dans une thématique, pour une durée indéterminée. Je voyais les producteurs comme des gens passionnés, qui ne se lassaient jamais de leur sujet. Or le processus pour la réussite d’un projet est très frustrant. Ce qu’il faut retenir c’est que tu fais quelque chose, tu portes un projet, et tu apprends à chaque production.

Découvrez son travail sur son site internet.

Propos recueillis par Célia Taunay

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